Balade gourmande au Mexique
Parler de la cuisine mexicaine, s'est remonter jusqu'à l'époque précolombienne, traverser la conquête et la colonisation espagnole, pénétrer dans les cuisines de Maximilien de Habsburg et se promener à travers le pays d'aujourd'hui en humant le contenu des jattes et des récipents de terre cuite. Si la cuisine s'est diversifiée, ses racines culinaires demeurent bien ancrées dans l'histoire.
Il faut remonter jusqu'en 700 ans avant Jésus-Christ. La civilisation méso-américaine ou la "civilisation du maïs" est déjà bien implantée. Base alimentaire de toutes les tribus indiennes, le maïs sert de lien commun entre chacune d'elles, source des querelles comme le cordon entre l'homme et les dieux. L'Indienne aime à casser les jeunes épis, les faire bouillir et en croquer les grains juteux mais elle a appris à le traiter, le cuisiner. Elle le sert en gruau clair "atole" au petit déjeuner. Dès que le maïs mijote avec de la viande, il devient pozole et la femme le transporte dans des gourdes jusqu'aux champs pour nourrir les ouvriers. réduit en farine, il se transforme en tortillas, ces galettes tendres ou croquantes, ou en tamales, farcies aux haricots ou aux légumes. Le maïs fait aussi partie de la fête: sa farine, dissoute dans l'eau, est mise à fermenter afin d'obtenir des boissons fortes qu'on assaisonne au piment . ou au chocolat.
Durant l'époque pré-hispanique, alors que la table de Moctezuma croule sous un échantillonnage de toutes les viandes, gibiers et volatiles qui vivent sur les terres infinies entre les deux mers, la diète quotidienne du peuple est frugale et consiste en 3 tortillas, des piments, des haricots secs fortement assaisonnés ou de la courge et un verre d' atole, de la pâte à tortilla délayée dans le lait, sucrée et parfumée aux fruits ou à la vanille. Mais, lors des occasions spéciales, généralement associées à des fêtes religieuses, le maïs se transforme. C'est ainsi qu'on retrouve le mois de Hueytozoztli, la grande vigile. Durant avril-mai, les tortillas sont confectionnées selon la forme de Chicomecatl, la déesse de la subsistance et farcies de haricots secs que l'on sert avec de l'eau aromatisée de chia, la graine d'une variété de sauge.
Puis, en mai-juin, c'est le mois du dieu Etzcualiztli. Le maïs est cuit avec des haricots secs, une nourriture fort lourde qui signifie l'abondance que ce soit la nourriture ou la pluie. Juin-juillet voit passer la fête des Lords Huey Tecuhuitl où les cérémonies sont dédiées à la déesse des jeunes épis. Les tamales sont alors farcis de viande, de gibier accompagnés d'eau mélangée à de la farine de pinole; seuls les prêtres ont le droit de boire du pulque.
En juillet-août rend hommage au dieu du soleil, Huitzilopochhtli. Les tamales deviennent géantes et peuvent contenir une dinde entière . ou un chien engraissé; elles sont décorées de fleurs, de plumes et festonnées de pâte mélangée avec des champignons pour représenter les guerriers et autres victimes sacrifiées au dieu soleil. Les tamales sont coupées et offertes aux prêtres accompagnées de montagnes de cailles.
Puis vient la conquête espagnole. Durant la colonisation, l'orge, le riz, le blé, les olives, le vin, la vache et le mouton font leur apparition. Chaque culture influençe l'autre. Les femmes indiennes engagées dans les cuisines espagnoles continuent à rouler les tortillas, à faire griller les piments frais et le maïs pour confectionner le pinole. Le boeuf espagnol est apprêté à la sauce indienne et la cuisine mexicaine trouve sa vraie saveur. Les couvents se multiplient. En 1700, on en compte 22 juste dans la ville de Mexico. On en retrouve d'autres dans les villes de Puebla, Michoacàn et Oaxaca. Les soeurs font évoluer la cuisine en gastronomie et les fruits en merveilleux desserts. L'avocat de Santa Clara (Rompope) est ainsi devenu célèbre dans tout le pays et la femme mexicaine a adopté cet apéritif à base de rhum, de lait et de jaunes d'oeufs. La sauce mulli originaire des Indiens Nahuas, faite à partir de différents piments, se transforme une jour alors que Maria del Perpetuo Socorro du couvent de Puebla décide d'ajouter du chocolat, des arachides, des graines de sésame et de la cannelle pour adoucir la sauce et flater le palais délicat de l'archevêque Manuel Fernández de Santa Cruz. C'est ainsi qu'est né le célèbre mole.
Durant l'empire de Maximilien de Habsburg, la cuisine mexicaine se raffine alors que Maximilien et Charlotte se laissent de plus en plus envoûter par le Mexique. Charlotte est subjugée par le chocolat et troque rapidement son thé pour ce divin breuvage. Elle provoque même des soirées spéciales de dégustation qu'elle fait servir avec des bonbons, des brioches et autres gourmandises.
Au XIXe siècle, les jeunes filles apprennent à cuisiner au couvent. Dans le "manuel culinaire de la jeune fille mexicaine" publié en 1856, on apprend à cuisiner aussi bien les plats mexicains comme les ollo podrida, tornachiles, torta de aguautle, le chapon ivrogne, que la soupe aux amandes espagnole et le massepain d'Alicante, le fricandeau de veau français.
Puis vint le temps de la révolution, la mobilisation des masses sous la gouverne des rebelles Emiliano Zapata et Francisco Villa. Les cantinières continuaient à façonner les tortillas entre leurs deux mains et à moudre les piments, des bruits domestiques en fond de sifflement de boulets. Puis on hissa le drapeau. Depuis ce jour, les Mexicains présent leurs plats en rouge et vert, sauces à base de tomates et de piments rouges ou verts aux couleurs du drapeau. Les jours de fête, on colore même les tortillas.
Pour Manuel, chaque région a son arôme, son goût et sa texture. Au centre du pays, c'est un mélange aztèque et espagnol qui se conjugue dans l'assiette. Le Mexique méridional avec ses poivrons séchés, est célèbre pour ses ragoûts et ses sauces parfumées aux herbes auxquelles sont ajoutées des épices douces telles que les clous de girofle et la cannelle.
Les fruits de mer accompagnés de tomates et d'herbes, suivis d'une bonne bière froide, constituent le repas de base le long de la côte du Pacifique. Dans le Yucatáan, on trouve plus facilement du porc confit maya servi sur des feuilles de bananier ou la fameuse sauce "achiote".
La grand-mère de Manuel se sert encore du mortier à trois pieds et du pilon en pierre pour broyer les grains de maïs, comme le faisaient ses ancêtres mayas. Séchés, explique-t-elle, ils se conservent longtemps et peuvent être mangés bouillis dans l'eau; la cuisson les fait gonfler et ils deviennent tendres comme des pâtes alimentaires.
Parlez-moi des " dulces "? Le sourire de Manuel s'étire et semble me dire que les friandises ne sont pas pour lui un cas de conscience. Chez moi, dit-il, on grignote des morceaux de canne à sucre à longueur de journée car nous ne sommes pas riches et cela rend les dents à toute épreuve. Mais, lorsqu'arrive une fête, j'aide à confectionner des bonbons pour les enfants à base de courge et de patates douces séchées. À écouter me décrire la recette de ses ancêtres, je pris, je le jure, plusieurs calories!
Depuis longtemps, les dieux ont quitté leurs stèles mais le 2 novembre, jour des morts, on dépose encore sur les autels des tortillas, des bonbons, des boissons, du tabac et de l'alcool de canne. Pour les Mexicains, tout est sujet à la fête. Dans les livres de cuisine, vous trouverez des recettes pour 40 ou 80 personnes.
Cuisine de l'État de Veracruz
Photo : Avocado Central (Hass)
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