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Une cuisine tournée vers la mer
J'ai voulu vous parler des Iles au mois de mars. c'est bien tôt me direz-vous pour aborder ce chapelet engoncé encore dans le froid et les glaces mais je veux réveiller vos papilles et vous lancer une invitation et quelques semaines ne sont pas de trop pour boucler vos valises.
Laissez-vous doucement apprivoiser en prenant le bateau, remontez le fleuve jusqu'aux Îles avec un équipage de Madelinots chaleureux et sympathiques. Parti le vendredi midi, vous arriverez aux Îles le dimanche midi, juste à temps pour venir nous serrer la pince durant le Festival du Homard pour 3 jours d'orgie crustacéenne, à moins de reprendre le bateau la semaine suivante. pourquoi pas. Il y a tant à découvrir.
Les Madelinots sont essentiellement pêcheurs au rythme des saisons
Comment aborder cette douzaine d'îles qui forment un croissant allongé sur une distance de 65 km, reliées entre elles par des dunes rousses offrant au premier regard ses falaises rouges, ses collines vertes, ses eaux bleues et ses coquettes maisons de bois aux couleurs de l'arc-en-ciel. C'est une toile saisissante, un coup de fraîcheur, en plein Golfe.
Je dirais qu'ici, il y a un peu d'eau de mer qui coule dans les veines de chaque Madelinot. Chacun est plus ou moins pêcheur, femme ou fille de pêcheur et cette activité génère non seulement le plus de revenus dans l'économie des Îles mais conditionne aussi la vie des insulaires. Durant la saison des homards, les pêcheurs quittent le port à trois heures du matin pour se rendre sur les fonds et lever leurs cages pour y recueillir leur pêche. Arpentez les quais en après-midi lorsque les barques entrent au port. Chacun vient aux nouvelles, donner un coup de main pour décharger ou aider aux préparatifs du lendemain. C'est le coeur des îles qui bat au rythme des marées.
La vie des Îles se transforme au gré des saisons. Laissons-les se raconter.
L'hiver aux Îles
Saison du loup marin (phoque) - fin février
Fin février, début mars les troupeaux de phoques du Groenland, viennent faire escale autour des îles. De mémoire de Madelinot, la chasse aux loups-marins signifie le retour aux activités maritimes alors que l'hiver tire à sa fin. Les préparatifs commencent, on sort les longues-vues et la surveillance s'établit depuis les hauteurs des Demoiselles où les guetteurs fouillent le golfe en quête de troupeaux qui se déplacent à la dérive sur les glaces mobiles au gré des vents et des courants. Après avoir repéré la mouvée au large, dès l'aurore, les chasseurs se mettent en route pour une dure journée de travail. Ils devront parcourir à pied, quelquefois plusieurs dizaines de kilomètres, sur les glaces en halant avec eux leur canot avant d'atteindre la mouvée. La chasse terminée, les peaux et les carcasses à bord du canot lourdement chargé, ils reprennent la longue route du retour. Ne vous inquiétez pas. Cette chasse ne se pratique plus que sur une base artisanale et une loi interdit la chasse commerciale des blanchons (jeunes phoques) et de dos bleus (jeunes phoques à capuchon).
Passé le 15 avril, il ne reste plus que les petits loups marins qui s'ébattent pendant tout l'été dans la baie. La chair de phoque est une viande du type sauvagine au goût prononcé et bien particulier. C'est une viande remarquablement tendre et maigre avec un petit goût de mer. On peut en trouver toute l'année dans certains restaurants. Durant la saison des loups marins, les restaurateurs aiment souligner l'événement par des préparations mettant en valeur la chair et les abats de ce pinnipède. Vous en trouverez toujours à la boucherie Côte à Côte à Cap aux Meules, une petite spécialité de Réjean Vigneault.
Le printemps aux Îles
Dès que les phoques ont disparu avec les glaces, la nature se réveille et la frénésie s'empare de tous. Les harengs arrivent de la haute mer et fourmillent en myriades dans la Baie de Plaisance et jusqu'au Havre aux Basques. Le hareng se prend généralement à la trappe, c'est-à-dire à l'aide d'immenses nasses de fine corde. Autrefois salé et fumé dans d'immenses boucaneries ou fumoirs, il a longtemps fait la fierté des Madelinots. Aujourd'hui, le hareng pêché est presque exclusivement utilisé comme bouëtte ou appât dans les casiers à homard.
Le crabe des neiges se pêche en avril ou mai aussitôt que la glace quitte le golfe. Les pêcheurs se rendent à plus de 40 km ouest/ sud-ouest des côtes pour y tendre de grands casiers qu'ils doivent descendre à des profondeurs de 45 à 275 m.
L'été aux Îles
La saison du homard du 10 mai au 10 juillet
Moins de 15 jours avant que les harengs reprennent la haute mer, s'ouvre la pêche au homard. Ils sont pris dans des cages faites de planchettes de bois et de filets, longues de trois ou quatre pieds sur un pied de largeur avec le dessus bombé. Elles sont immergées en chapelet sur les fonds rocheux, bien ancrées avec des pierres plates. Sur les flots, dansent les boeilles, les bouées de repérage. La pêche dure environ deux mois et donne le ton à la cuisine jusqu'à la fin de juillet.
En même temps arrive la morue qui est le bienfait de la mer. Si on la taquine avec un morceau de hareng, la morue préfère la coque. On la prend à la ligne pendant tout l'été et, si la saison est bonne, la pêche se poursuit jusqu'à l'automne, voire même jusqu'à Noël. Salée, on l'égrène dans une purée de pommes de terre, pour la transformer en galette (fish cake) les soirs d'hiver.
Mi-juillet, le maquereau vient baguenauder dans les eaux des îles, offrant ses flancs d'azur aux rayons du soleil qui pénètrent la surface de l'eau. Alors on lui prépare un hachis de hareng salé et de coques amalgamé avec quelques cuillerées de mélasse qu'on égrène à la surface pour freiner ces bancs migrateurs et attraper le maquereau à la ligne ou au filet jusqu'au début de l'automne. Au soir, tout le monde se rassemble pour préparer et saler les prises de la journée qui peuvent se calculer par centaines.
L'automne aux Îles
À l'automne, la lumière devient plus dense, la mer plus épaisse et les marais se colorent d'un mauve tendre. On garnit son panier de pommes de pré (canneberges) et de champignons. Cette airelle à gros fruit pousse en grande quantité dans les prés humides, à proximité des dunes. Elle se transforme en confiture, en gelée, en jus.
De la mer à l'assiette
Les Madelinots sont passés maîtres dans l'art d'apprêter ce qu'ils puisent à la mer si généreuse. Ici, poissons et crustacés viennent garnir soupes et ragoûts, même le croque-monsieur et se conjuguent au quotidien. Le court-bouillon est sans doute la préparation la plus simple et la plus utilisée pour apprêter crustacés et coquillages en leur conservant toute leur saveur. Il y a aussi les incontournables de cette cuisine des îles.
Le pot-en-pot est sans doute le plat signature, une savoureuse préparation de fruits de mer ou de poissons et de pommes de terre en croûte.
La coque
Si les coques sont fort prisées aux Îles, il n'en demeure pas moins que ce mollusque bivalve requiert une rude besogne car il faut aller lever les coques à marée basse sur les platiers, les fonds de sable. les Bouchée aux coques sont traditionnelles, enrobées de pâte et cuite à grande friture
Le pétoncle
Les pêcheurs de pétoncles raclent les fonds marins à l'aide de dragues spéciales et remontent à la surface ces coquillages recherchés des gourmets. Ils se hâtent de décortiquer leur prises avant de revenir à terre. Ainsi, à leur retour, ils n'auront qu'à débarquer quelques petits sacs de toile blanche contenant toutes leurs précieuses prises. Exquis en brochettes, en pot-en-pot ou simplement au beurre persillé, il se camoufle dans toute la cuisine.
La palourde
Elle garnit le chou farci - un mélange de palourdes, de riz et d'oignons assaisonné et roulé dans une feuille de chou et cuit à feu lent avec du lard et de l'eau de palourdes
Le flétan
Les darnes de flétan sont trempées dans un mélange de crème fraîche, assaisonnées de sel, de poivre et d'un soupçon de vinaigre puis enrobées dans la chapelure et cuites au four avec quelques noisettes de beurre.
Les amateurs de mollusques peuvent trouver en tout temps des moules bleues, des palourdes et des coques. On en vend dans les poissonneries et les restaurants mais, ce qui est fort sympathique, on peut aussi en cueillir dans les lieux autorisés (consultez le bureau d'information touristique). À la pêche aux moules, moules, moules.
Coups de coeur!
C'est à L'auberge Chez Denis et François que je passai ma première nuit aux Iles. Au matin, il faisait un temps superbe. C'est que le soleil était parvenu à transpercer avec un faisceau de grandes raies lumineuses le ciel que les nuages alourdissaient.
- Le Pied de Vent me dira la jeune serveuse en m'apportant le petit déjeuner.
- Vous aurez un temps superbe. Aimez-vous le bargou, un gruau de farine d'avoine ou encore un pot-en-pot (prononcer pote-en-pote). Nous faisons également du pain virouné (pain doré). J'optai pour cette dernière suggestion lorsqu'il lui vint l'idée de remplacer les confitures par une surprise.
- Pouvez-vous attendre car la cuisinière est en train de vous brasser une confiture aux œufs et à la mélasse?
Je garde encore le goût de ce mélange onctueux qui était autrefois dans les chaumières la gâterie des matins froids… une douceur pour l'âme!
Séjourner aux Îles, c'est aussi s'attabler à la terrasse du Café de la Côte, face au havre de pêche de l'étang du Nord et assister au coucher de soleil. Alors que le vent tombe et que le jour décline s'amorce le plus grandiose des spectacles sans cesse renouvelé. Le phare, le quai, les bateaux, les maisons, se colorent au gré de la lumière. Si le coeur est à la fête et que vous voulez prolonger cet instant magique, vous serez surpris du menu : pizza à la morue salée, foccacia au maquereau fumé, beurre d'orange et raifort ; la salade césar est ici "piratée" et les lardons sont remplacés par du hareng fumé de la Pointe-Basse.
Mais assez bavardé. Venez aux Îles. Vous y découvrirez de merveilleuses histoires de pêche. Un poisson frais pêché de quelques heures à peine avec sa bruine d'eau de mer ne peut laisser personne indifférent. Et quand on le déguste au bord de la mer, dans ce climat qui sent bon les embruns salins, on se dit qu'il valait bien le voyage.
Fromage à pâte molle, affinée en surface, le Pied-De-Vent est fait à partir de lait cru issu d'un seul troupeau laitier nourri du terroir des îles de la Madeleine.
L’expression « pied-de-vent » est utilisée aux Îles pour désigner les rayons du soleil perçant à travers les nuages.
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