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Émile Jung, anc. chef propriétaire Au Crocodile, Strasbourg |
Pâques en Alsace selon Émile Jung
Nous avons rencontré pour l'occasion un des plus grands chefs étoilés d'Alsace: Émile Jung qui officie dans les cuisines du Crocodile à Strasbourg depuis plus de 35 ans. Quel être charmant, simple et généreux… en un mot " savoureux! " Il nous livre quelques propos pascaliens et printaniers au-dessus des fourneaux.
Pâques. C'est l'arrivée des asperges, des morilles, des écrevisses… c'est l'agneau de lait, les jeunes légumes… des desserts à base de fromage blanc et de citron qu'on appelle parfait glacé pascaline… Pascal, pascaline… le terme donne tout de suite une note de légèreté.
Au menu, je vois déjà se profiler le feuilleté de morilles aux crêtes de coq, les asperges aux écrevisses, le baeckeofe, une signature purement alsacienne du gigot ou de l'épaule d'agneau boulangère cuit au four en terrine. Ces deux recettes ont la même facture, la même composition, la même démarche : une couche de pommes de terre débitées en grosses rondelles, puis d'oignons émincés et enfin des morceaux de viande, le tout recouvert d'une couche de pommes de terre. Mais ensuite… l'histoire se corse! Puisque l'Alsace est un pays de vin, de culture de vins, l'agneau est toujours mariné au vin blanc dont il s'imprègne d'une juste harmonie - le blanc respecte mieux que les rouges sa délicatesse et sa saveur. La pomme boulangère préfère le bouillon. Entre vous et moi… c'est plus neutre. On pourrait dire que c'est un gratin dauphinois sans crème.
Pâques. Les journées s'allongent. Le soleil est présent. On ouvre portes et fenêtres. C'est le renouveau. C'est aussi la saison des jets de houblon. Ils font parties de la garniture alsacienne dès que les premières pousses pointent leur nez au soleil du printemps. Comment les définir dans un portrait à la fois visuel et gustatif? Pensez pousse de soja. Mieux encore : les tubercules de pommes de terre - ils ont le même aspect, la même taille que les germes. Ils rappellent aussi le côté salsifis, asperge.
Ce sont les Belges qui cultivent les recettes à base de jets de houblon. Au pays de l'or vert, dans mon Alsace natale, vous verrez à perte de vue, de longues perches en bois enfoncées transversalement dans le sol, reliées entre elles par des fils. Les lianes vigoureuses grimpent à l'assaut du ciel. Ils font partie du terroir alsacien, là où il y a de grandes brasseries. Lorsque les pieds font jaillir leurs premières pousses au printemps, seules trois d'entre-elles seront enroulées sur les tuteurs et poursuivront leur croissance pour devenir des scions. Les autres viennent délicieusement garnir notre assiette.
C'est une saison fugace, éphémère. Selon le temps, elle commence fin mars et se poursuit les 2 ou 3 premières semaines d'avril. C'est une chance de pouvoir goûter aux jets de houblon. Simple et rapide à la fois, il suffit de les cuire à pleine ébullition pendant 3 minutes à l'eau salée.
Le grand classique demeure la trilogie œuf poché, asperges, sauce hollandaise. Si vous remplacez les asperges par des jets de houblon, vous avez l'inédit. Il suffit de mettre les jets de houblon dans un caquelon à œuf, puis de déposer dessus un œuf poché nappé de sauce hollandaise. On y trouve la douceur de l'œuf, l'onctuosité de la sauce avec une pointe d'acidité. Comment décrire une hollandaise? Ce n'est pas une sauce travaillée avec un fond. Du point de vue gustatif, elle a une grande subtilité qui relève, qui donne du caractère, de l'assaisonnement à l'œuf. Et, ce qui est intéressant, c'est que le jet de houblon a une belle consistance. Donc cette consistance permet d'apporter une persistance en bouche. La texture du jet de houblon nous oblige à mâcher, donc à fixer les saveurs. Je n'oublie jamais d'ajouter quelques pousses d'épinards… c'est une association irrésistible.
Il faudra venir les goûter Au Crocodile. Le TGV relie Paris-Strasbourg en 2 heures 20.
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