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Le thé russe, un concentré de l’âme slave
Le thé russe, un concentré de l’âme slave

Saveurs de Russie

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La Russie, pays du thé ? Voilà de quoi bouleverser le five o’ clock, ses nuages de crème et ses effluves de bergamote. Pas de tasse de thé russe, sans entendre le bruissement lointain, d’un fier samovar…

Un parfum de caravane
Le thé russe, un concentré de l’âme slave 1

C’est en 1618 que le tsar russe Michel III découvre les précieuses feuilles du camelia sinensis, offertes par l’Empereur de Chine Nurhachi, premier des Qing. L’histoire du thé en Russie suit alors les romanesques routes des caravanes… Au XIXe siècle, les briques de thé s’échangent encore contre des fourrures, dans la fièvre de la foire de Nižni Novgorod. Si la Russie est aujourd’hui le premier importateur de thé, elle continue à cultiver des champs de thé, issus de camélias chinois. Les théiers, soignés, se plaisent dans le Caucase, entre mer Noire et mer Caspienne. Passant la frontière, on les trouve en Géorgie et en Azerbaïdjan. Le jardin de Chakvi-Guria tient le haut du pavé, tandis que flotte le souvenir des théiers de Krasmodar…

Un thé chaleureux
Le thé russe, un concentré de l’âme slave 2

Derrière le « Goût russe », se cache un mélange de thés de plusieurs origines, traditionnellement de Chine, actuellement d’Inde, de Sri Lanka ou de Turquie. Le thé « Goût russe » doit son succès à ses notes gourmandes. À pays de neige, dépaysement des agrumes. Citron, citron vert, orange douce, orange amère, pamplemousse, bergamote, viennent arrondir une base de thés noirs, plus rarement de thés verts. Dans la tasse, règnent des couleurs ambrées, à faire pâlir les whiskies les plus nobles. Goût corsé, couleurs chaudes et cuivrées qui n’ont rien à envier au fauvisme, semblent appeler l’automne ou braver l’hiver. Dans les brumes de ce « parfum qui se boit », on se plaît à rêver à un gâteau au chocolat, à une tarte à l’orange… Au petit déjeuner, ce thé sème des volutes de bonne humeur et évoque les joies simples, d’une belle orange juteuse, qu’on aurait cloutée de girofle.

Le thé « à la russe », quant à lui, n’est pas parfumé. Il peut toutefois s’animer d’une pointe fumée. Avec ses notes balsamiques, résinées, il ravive le souvenir, d’un feu de bois de cheminée, au confort ouaté. D’où vient cette rencontre du thé et des agrumes, typique du « Goût russe » ? Si les Russes aiment les thés au goût charpenté, l’adjonction des zestes est l’héritage des caravanes. Sous la dynastie Tang, en Chine (du VIIe siècle au Xe siècle), on faisait bouillir le thé avec des écorces d’agrumes ou des morceaux de fruits séchés. Mais c’est surtout dans les années 1950 que l’Occident nourrit un véritable engouement pour les thés parfumés. Le « Goût russe » concurrence alors un intouchable : le thé Earl Grey

La Russie à l’heure du thé
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De tradition d’abord moscovite, le thé a rapidement gagné les territoires éloignés, où il est considéré comme produit de première nécessité. Pour preuve : dans la poésie de Joseph Outkine, au nom des « babioles anodines », ne trouve-t-on pas, Ô surprise, « la théière, des cigarettes, / Un petit livre de Pouchkine » ? Les nobles feuilles tiennent même tête à la vodka, puisque les 4/5e de la population se retrouvent, en Russie, dans le rituel quotidien du thé.

Rituel qui ne peut se passer du podstakannik — le traditionnel sous-verre à thé — droit et stable dans son assise métallique à anse. En argent, en fer ou en bois, il accompagne la gestuelle du thé russe depuis des décennies. Impossible de penser le thé sans pâtisseries en Russie ! Petits sablés dorés, parfois épicés, pirogis aux pommes ou varenikis au fromage blanc, escortent la tasse de leurs promesses sucrées.

« Ce qui étonne, précise Armen Petrossian, c’est cette permanence en Russie autour du thé. On trouve toujours des petits sablés, dont la maîtresse de maison garde jalousement la recette, des confiseries chocolatées, des pâtes de fruit, mais aussi des fruits locaux — pomme, poire, orange, prune — qu’on peut manger proprement, et, trait distinctif, de la confiture très liquide pour sucrer le thé. » Confiture de fruits rouges, typique de la Russie (framboise, airelle, groseille épépinée…), de prune, de cerise, voire de pétales de rose.

Quant aux théières, peintes et sculptées, on les croirait sorties des contes russes, avec leurs fruits stylisés ou leurs animaux extravagants ! « Le thé en Russie, poursuit Armen Petrossian, est un moment fort et culturel, avec une tradition de chants, de lecture de poèmes, où règne le samovar ». Le « Goût russe » du thé serait-il inséparable de cette convivialité ?

L’ombre sacrée du samovar
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Le samovar « grondant comme la tempête », peuple les mémoires et veille les conversations. Les origines de ce mot curieux désignent un objet permettant de faire bouillir soi-même de l’eau. Samovar pittoresque, cher à Michel Zagoskine, « qui ronfle et fume tous les dix pas. » Il faut se représenter, au coeur de la sociabilité russe, cette étrange « silhouette, comme une architecture de temple oriental ». Dominique T. Pasqualini le résume à merveille, « à mi-chemin entre le thermos électrique et la bouilloire sur son foyer ». Le samovar « permet d’entretenir le foyer, de conduire l’ébullition de l’eau, de préparer l’infusion concentrée, de maintenir cette liqueur au chaud, de servir l’eau chaude, et de diluer la liqueur dans la tasse. Il tient à la fois de la théière et de la cafetière. »

Car les Russes préparent un thé très concentré, corsé, appelé cavárka, qu’ils diluent avec l’eau chaude, constamment à disposition, du samovar. L’eau, chauffée par un tube en cuivre, chante, bruisse puis ronfle. Si les braises du samovar ont fait place à l’électricité, le samovar n’a pas connu pour autant les oubliettes. L’artiste Irina Volkonskii est formelle : « Une Russe ne peut vivre sans samovar ! » Pour George Orwell, « le tea time est un art de vivre. Il implique de savoir prendre son temps, de ménager son confort, de s’extraire du quotidien et de savourer l’instant. » Un instant voluptueux qui définit, tout buveur de thé.

Conseils de préparation
Les thés « Goût russe » apprécient une eau à 90 °C, avec un temps d’infusion de 4 à 5 minutes.

La tradition se perpétue
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Parmi les produits traditionnels russes que les fondateurs de Petrossian ont introduits en France, les fameux Thés Noirs de Géorgie étaient déjà là, dans leurs jolies boîtes lithographiées de couleur violette et orange ! En 1996, Armen Petrossian a voulu rendre hommage à ses Tante Bella et Irina qui ont marqué la mémoire familiale par leurs savants mélanges de Thés ! Elles les buvaient toute la journée en faisant leurs patiences…

Thé Tante Bella :
De larges feuilles de Thé de Ceylan et de Chine accompagnées d'airelles. Un thé doux et fruité.

Thé Tante Irina:
Thé Keemun et Orange Pekoe de Chine, parfumé d’orange douce d’Espagne, de citron et de Bergamote d’Italie, offre un mélange de très haute distinction.

Thé des Steppes – Orange et Vodka :
Thé de Chine et de Ceylan, écorces d’orange et arôme vodka.

Thé vert aux parfums d'Orient :
Thé vert Sencha de Chine, aromatisé à la fleur de mauve et d'Hélianthe, au coing et à la crème.

 
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Sources
Maison Petrossian
Dominique T. Pasqualini, Bruno Suet, Le Temps du thé, Marval, 1999-2000.
Ingrid Astier, Auteur du Goût du thé, au Mercure de France, 2007.

Illustration du haut : Vladimir Stojarov (1926-1973), "Près du samovar" 1956, Galerie Trétiakov, Moscou

Illustration de la femme russe buvant le thé trop chaud dans sa soucoupe : Konstantin Makovski (1839-1915), "Le thé", 1914, Musée des Beaux-Arts, Oulianovsk

 

 

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