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Pierre Poivre
Pierre Poivre

Tout sur la muscade > Pierre Poivre... un soyeux en quête d'un empire

L'histoire de la muscade est indissociable de Pierre Poivre. Grâce à sa ténacité et à ses dons de botaniste, il a brisé le monopole hollandais. C'est une longue histoire qu'il me faut vous raconter, une figure de légende qui donne à ces deux épices toute leur saveur.

Il n'avait rien pour renverser l'histoire sinon un nom prédestiné. Né à Lyon en 1719 d'un père soyeux, Pierre Poivre jongle avec les brocards, les damas et les doupions tout en rêvant de prêtrise. Envoyé au siège des Missions Etrangères à Paris, il apprend la botanique et se rend en Chine étudier le poivre et l'anis étoilé. Entre Sumatra et Bornéo, un boulet anglais emporte sa main droite et règle définitivement son avenir: un missionnaire ne peut pas bénir de la main gauche. Receuilli par les Hollandais sur l'île de Batavia, toute sa convalescence est parfumée de girofle et de muscade, ces épices qui ont fait la fortune des Pays-Bas depuis un siècle et demi pour le privilège exclusif de la Vereenigde Oostindische Compagnie. Rangées en ballot, ces odeurs, les plus chères au monde, attendent les navires marchands dans des hangars de pierre ceinturés par une haie de hallebardiers. Il se découvre alors une passion qui oriente toute sa vie: les arbres à épices. Pour les conquérir, il devient flibustier, contrebandier et voleur.

 Au prix de sa vie, de blessures et d'angoisse, il réussit à voler, c'est bien le mot, 15 maigres plants de muscadiers à Manille. Vieilli, fatigué, il les confie aux soins de botanistes experts à l'Ile de France (aujourd'hui St-Maurice) qui ont tôt fait de les faire mourir par pure jalousie et mesquinerie.

 Poivre voulait donner à la France un empire. Nommé administrateur royal, l'intendant Poivre débarque au Port-Louis le 14 juillet 1767 et manifeste sa ferme résolution de "gouverner cette colonie comme une famille et de la rendre heureuse sous l'empire de la vertu".

 Ne pouvant plus partir à la recherche de ses précieuses épices, Poivre s'évertue à trouver des émissaires. Mais pour aborder ces îles à épiceries, Poivre n'a pas de bateau. Il doit donc amadouer des capitaines. La plupart refusent car, depuis plus de vingt-cinq ans, ces expéditions n'ont produit que des voyages inutiles. Il envoie Bagousk mais des bruits lui parviennent quelques années plus tard comme quoi il a été massacré. I1 s'entend enfin avec d'Etchevery, aussi entêté que lui, qui, aux commandes d'une petite frégate, cingle enfin sur les Moluques avec le représentant de Poivre, un dénommé Provost. D'Etchevery prend le pouls de la situation sur l'île de Céram où un planteur hollandais, frustré d'avoir été relégué sur une île sans ressources de la métropole, confie au capitaine qu'il est possible d'obtenir des plants sur l'île de Gebe, sise à 5O OOO à l'est d'Halmahera, au coeur même du dispositif de défense maritime hollandais, là où les indigènes refusent toujours la présence batave.

 Capitalisant sur une association commerciale et la protection de la France, le roi de Batania offre, tel un cadeau princier, des brassées de jeunes muscadiers et des noix bonnes à germer en échange de verroterie et de paroles courtoises. Le roi de Gebe en offre trois cents, apportés dans des pirogues menées par quarante rameurs. Elles sont emmaillotées dans la jute à fond de cale de l'Etoile qui met alors le cap sur l'île de France, un trajet de retour d'au moins deux mois par bon vent. Une expédition qui aura duré quand même un an.

Le 27 juin 177O, dans sa propriété des Pamplemousses et devant des officiels de l'île, Pierre Poivre découvre

 quatre cent cinquante pieds de muscadiers bien vivants, . cinq caisses contenant environ dix mille noix muscades rangées par couches séparées par des lits de terre . Deux ans plus tard, Bagousk revient en l'Ile de France, escorté par quarante pirogues à la tête desquelles se trouvent le roi de Maba lui-même venant déposer, aux pieds de Poivre, des centaines de plants de muscade.

Le problème de rendement du muscadier est de taille: sur 1OO OOO noix rapportées par Provost, les 5 OOO meilleures ont été plantées dans la pépinière de Mont-Plaisir sur l'Ile de France mais seuls une trentaine ont germé.

 La récolte est décourageante: les ouragans fauchent les jeunes plants, la sécheresse les tue littéralement et, si la nature les a laissé tranquilles, les rats se mettent de la partie et se font un festin de ces écorces tendres et aromatiques. Les premières noix sont cueillies en 1778, soit sept ans après leur plantation par Poivre. Maigre récolte mais qui progresse et en 1883, Céré peut en expédier à Bourbon et jusqu'à Cayenne.

 
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